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11 juin 2019 2 11 /06 /juin /2019 18:49

Je suis là devant mon clavier, dans l'attente de redonner vie à cette merveilleuse rencontre que j'ai fait l'automne dernier au Japon, celle d'un peintre renommé, rencontre que je m'étais interdite et qu'une série de synchronicités a permis.

Comme quoi, quand le conscient dit "non", l'inconscient dit "oui". "Suivez vos rêves, ils connaissent le chemin" . Ecrire cet article comme une ode à la liberté, liberté de laisser les coïncidences arriver, liberté d'être soi, en lien avec les autres, liberté d'aimer, liberté de communiquer. liberté d'être et liberté de rayonner. Voilà, j'ai écrit 7 fois le mot liberté, ce qui fait 8 maintenant. 8 symbole de l'infini, donc une liberté sans fin.

L'atelier de Takeuchi Koichi

L'atelier de Takeuchi Koichi

 Fujioka Masato un peintre nihonga et enseignant que je rencontre à Paris, un peu par hasard, m'a proposé de me présenter Takeuchi Koichi, un peintre que j'admire, que je trouve unique, dont je possède quelques livres, et sur lequel j'ai écrit un article sur ce blog. Je suis donc dans un état particulier, flottant un peu au dessus du sol quand j'arrive avec  Ikeuchi Taketo, guide interprète, et Fujioka-san devant la maison du grand peintre dans ce beau quartier résidentiel de Kyoto. Takeuchi-Senseï nous reçoit dans son atelier au sein même de sa maison, et s'excuse de l'absence de son épouse, en déplacement.

Takeuchi Koichi dans son atelier

Takeuchi Koichi dans son atelier

Notre discussion démarre très vite et simplement sur mon nom d'épouse qui intrigue toujours car il est japonais, et sur le cinéma parce que mon ex mari est réalisateur.

Le mari de la coiffeuse

Takeuchi-senseï préfère le cinéma français au cinéma américain, et en particulier , il aime le film "Le mari de la coiffeuse" . Ce film atypique de Patrice Leconte, une ode mélancolique au rêve d'enfant et à la sensualité que je trouve finalement... assez japonais, et dont je garde un beau souvenir.  Puis nous parlons peinture, et j'apprends que Yamaguchi Kayo peintre animalier issu d'une longue tradition de peintres dévoués à la représentation de la nature, qui a été son maitre, est venu exposer à Paris  de novembre 1982 à janvier 1983 au musée Cernuschi, à Paris.

Yamaguchi Kayo
Yamaguchi Kayo

Il était inquiet de l'accueil que l'on ferait à son oeuvre, mais j'imagine  que ce fut une  merveilleuse surprise pour le public parisien. En 1989 est sorti un très beau livre sur son oeuvre dans une collection conçue par Diane de Selliers dans la collection "Les peintres animaliers".

Nous avons parlé de ce qui rapproche ou diffère, chez les artistes japonais et français. La technique est elle seule à faire la différence? (On parle de la peinture occidentale "à l'huile"). Que cherche le peintre? Il cherche à exprimer ses émotions. Ainsi quand Monet cherchait à recréer l'émotion produite par la lumière, Jakuchu la cherchait également, par d'autres procédés.

Takeuchi Koichi est un peintre qui, à travers son travail, cherche l'eveil. Il pense que c'est le but de la plupart des artistes, français ou japonais. C'est un homme amoureux de la nature et il tient à garder une vision objective du futur "Notre destin est lié à celui de la nature". Je vois chez cet homme une simplicité et une belle humilité, si surpris et amusé quand je réponds à sa question: "Quelles sont vos oeuvres nihonga préférées". Moi: "Mais les vôtres , bien sur!!" ; il est pourtant un Maitre dont je découvre avec bonheur par la suite que beaucoup de jeunes artistes veulent marcher dans ses pas. Même si il n'a pas de disciples dans son atelier, il est l'auteur d'un certain nombre d'ouvrages didactiques , de vidéos; il a également enseigné à l'université municipale des arts de Kyoto.

Otsu-e

Il m'a parlé également de cette spontanéité qu'il aime chez les dessins d'enfant, d'Otsu-e ces peintures populaires réalisées au pochoir par des artisans de la région d'Otsu dont la fraicheur connut un fort succès auprès du public nippon à l'époque d'Edo, et que nous avons pu admirer dernièrement à la Maison de la Culture du Japon. Il aime les peintres autodidactes, et nous nous retrouvons sur un goût commun pour l'oeuvre de Tanaka Isson, peintre autodidacte dont certaines oeuvres semblent diffuser une aura tant elles paraissent vibrer.

Je retrouve la sensation de connexion que j'ai ressentie à Kochi, Shikoku, avec le peintre Araki Yoichi et ses élèves. Nous sommes sur la même longueur d'onde, comme connectés. Dans une oeuvre longuement élaborée comme celles de Takeuchi Koichi, je ressens comme la force d'un arbre; et les couches successives de pigments sont comme des anneaux de croissance.

Je retrouve la même sensation devant ses oeuvres que devant des arbres centenaires. Il y a une force, une sagesse, une paix. Puis sur ce qui m'a menée jusqu'à lui, il m'a parlé du destin. Ce qui nous a réuni tous les trois ce jour , le  " EN " (縁), hasard ou destin, "les liens mystérieux qui lient les destinées » Nous devons vivre ce moment comme un instant unique et ephémère "ichigo ichi-e" , moment in-reproductible, et c'est vrai qu'il est unique , ce moment.

Un ange passe. Goûter le silence....et la présence.

Le moment devient alors plus unique, car Takeuchi-senseï nous propose de découvrir sa collection de shunga , estampes érotiques réalisées par le célèbre artiste Utamaro.

Il y aura beaucoup de rires et de surprise de mon coté. Regarder ces oeuvres aux cotés de ces trois hommes est une situation tellement inhabituelle; du coté de Takeuchi-senseï on parle technique; je confirme que l'anatomie de ces personnages est assez irréelle, le réalisme n'était pas une priorité chez les artistes de l'époque. le jeu des nudités avec les tissus, le contraste entre le cru et le raffinement, l'humour parfois présent  en font des oeuvres uniques  et inimitables, et surtout fascinantes. Cet art érotique qui a circulé librement jusqu'à la venue des chrétiens missionnaires, mémoire d'un temps révolu où la créativité se déployait sans entrave. Il me parle de la liberté autour de ce sujet en France, sur le moment j'ai une vision moins positive que lui, mais c'est oublier les salons certes rares. La fameuse exposition autour des Shunga qui eut lieu en 2015 à la Pinacothèque aujourd'hui fermée , et le petit salon du dessin érotique "Salo" qui a lieu en ce moment à Paris.

Après avoir présenté l'intimité de ces oeuvres créées par Utamaro, Takeuchi senseï nous a offert de découvrir l'intimité de sa création en cours: l'esquisse de ruisseau.

Ses esquisses constituées de petits cercles de diverses tailles et densité semblent représenter comme des molécules d'eau. Il veut dessiner l'eau de ce ruisseau limpide, pure et transparente, comme son idéal me dit il. Et je me souviens de son propos "Parfois je regarde l'espace sans raison particulière. Il semble vide, mais il y fourmille de choses. Une peinture pourrait être ainsi". Je comprends alors en voyant ces travaux préparatoire combien pour l'artiste l'acte de peindre est en soi similaire a l'acte de méditer et contribue à le mener sur le chemin de l'éveil.

Je regarderai ensuite lors de mon voyage les cascades et les cours d'eau avec un oeil différent. La magie de la rencontre  a opéré et continue d'agir. Il y aura peut être d'autre articles à ce sujet car cet article survole mes souvenirs essentiels.

Pour l'heure je remercie l'artiste et mes compagnons pour cette rencontre éphémère, mais dense.

 

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commentaires

A
J'ai beaucoup aimé lire cet article, la poésie qui s'en dégage, le rêve qu'il fait naître... je ne m'y connais pas beaucoup en art mais cet article m'a donné envie d'en savoir plus. merci beaucoup
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E
Merci Aurore, c'est un beau cadeau que vous me faite là.

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